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GORGIAS

en collaboration avec eux, puis, après les avoir quittés, à nous seuls ; alors, les choses étant ainsi, nous pourrions raisonnablement aborder les entreprises publiques. Si au contraire nous n’avions aucun maître à citer, aucune construction antérieure à rappeler, ou plusieurs constructions sans valeur, alors il serait absurde de prétendre aux grands travaux publics et de nous y exhorter l’un l’autre. Ai-je raison, oui ou non ?

Calliclès. — Tout à fait raison.

Socrate. — De même pour tout, et par exemple, si nous recherchions un emploi de médecin public, avant de nous décider l’un l’autre à nous présenter comme compétents, nous devrions commencer par nous examiner réciproquement ; et tout d’abord, par les dieux, vérifier la santé de Socrate lui-même, et voir ensuite si Socrate a jamais guéri quelqu’un, homme libre ou esclave. J’en ferais sans doute autant à ton égard ; après quoi, si nous arrivions à conclure que jamais ni étranger ni Athénien, ni homme ni femme, ne nous a jamais dû sa guérison, alors en vérité, Calliclès, ne serait-ce pas une dérision qu’un homme pût concevoir un projet si absurde ? Sans avoir débuté par des tentatives plus ou moins heureuses au temps où il était encore un profane, sans avoir remporté de nombreux succès ni s’être convenablement exercé dans l’art de la médecine, commençant son apprentissage de potier, comme on dit, par la fabrication d’une jarre[1], cet homme aurait l’audace de rechercher un service public et d’y pousser ses pareils ? Une telle conduite ne semble-t-elle pas insensée ?

Calliclès. — Oui.

Socrate. — Et, maintenant, mon excellent ami, puisque tu débutes dans la vie politique, puisque tu m’y appelles et que tu me reproches de n’y pas prendre part, n’est-ce pas le moment de nous examiner l’un l’autre et de nous dire : Voyons, Calliclès a-t-il rendu meilleur quelque citoyen ? En est-il un seul qui d’abord méchant, atteint d’injustice, d’intempérance et de déraison, soit devenu honnête grâce à Cal-

    second point (513 d-520 e) : conduite à suivre dans la vie, non plus vis-à-vis de soi-même, mais à l’égard des autres citoyens. Ce débat va ramener la question, laissée en suspens à 503 c, du jugement à porter sur les hommes d’État.

  1. Proverbe auquel il est déjà fait allusion dans le Lachès 187 b.