Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome III, 2.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.
92
GORGIAS

discours Contre les sophistes jusqu’au Panathénaïque, éprouvé peu de bienveillance à l’égard de Platon et de ses méthodes.

Celui-ci a-t-il visé indirectement Isocrate dans le Gorgias ? Nous ne pouvons ni le nier ni l’affirmer, faute de savoir les dates de ses sentiments successifs et celle même du Gorgias. Tout ce qu’on peut dire c’est qu’il n’a certainement pas attribué à l’honnête Isocrate l’immoralisme de Calliclès et que, s’il l’a visé, c’est à travers Gorgias : mais d’autre part il n’est pas douteux que la rhétorique d’Isocrate tombe directement sous le coup des critiques exprimées par Platon dans le dialogue ; car Platon s’y montre d’une rigueur impitoyable et absolue.

II

LES PERSONNAGES ET LA COMPOSITION

La discussion est soutenue par quatre personnages : trois représentants de la rhétorique, Gorgias, Polos et Calliclès, qui entrent tour à tour dans le débat, et en face d’eux Socrate, qui, après ces trois engagements successifs, prend à son tour la parole d’une manière continue et conclut son discours par un mythe. Chéréphon, le vieil ami de Socrate, n’a qu’un rôle négligeable.

Socrate, Gorgias et Polos sont bien connus et gardent dans le dialogue leur physionomie traditionnelle. Socrate, dialecticien subtil et précis, puis mystique ; Gorgias, maître en son art, considérable et considéré, honnête homme et qui se garde avec soin des affirmations mal sonnantes ; Polos, plus jeune, plus tranchant, un peu ridicule par son infatuation, mais qui recule devant les conséquences dangereuses de ses théories. Quant à Calliclès, c’est l’enfant terrible de la rhétorique, l’immoraliste hardi qui va jusqu’au bout de sa pensée et qui, pressé par la dialectique de Socrate, n’hésite pas à jeter par-dessus bord toute la morale traditionnelle pour sauver la rhétorique du naufrage.

Ce Calliclès est d’ailleurs inconnu ; c’est sans doute une création de Platon, un personnage fictif en qui s’incarnent tout un ensemble de théories ou de tendances que Platon