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PROTAGORAS

ment élevés, et mériter par là le salaire que je réclame, ou plus encore, de l’avis même de mes disciples. Aussi ai-je établi de la façon suivante le règlement de mon salaire : quand un disciple a fini de recevoir mes leçons, il me paie, s’il le veut bien, le prix demandé par moi ; sinon, il déclare dans un temple, sous la foi du serment, le prix auquel il évalue mon enseignement, cet il ne me donne pas davantage.

« Voilà, Socrate, le mythe et le discours par lesquels j’ai voulu démontrer que la vertu pouvait s’enseigner et que telle était l’opinion des Athéniens et que, d’autre part, il n’était nullement étonnant qu’un homme vertueux eût des fils médiocres ou qu’un père médiocre eût des fils vertueux : ne voit-on pas que les fils de Polyclète, qui ont le même âge que Xanthippe et Paralos ici présents, ne sont rien auprès de leur père, et qu’il en est de même de beaucoup d’autres fils d’artistes[1] ? dQuant à ces jeunes gens, il ne faut pas se hâter de les condamner ; nous pouvons encore espérer en eux, car ils sont jeunes. »


Reprise de l’entretien par Socrate.

Protagoras, après avoir ainsi déployé toute son éloquence, cessa de parler. Pour moi, encore sous le charme, je restai longtemps à le contempler, espérant qu’il allait dire encore quelque chose et avide de l’entendre. Quand je vis enfin qu’il avait vraiment terminé, je me ressaisis en quelque sorte, non sans peine, et me tournant vers Hippocrate : « Fils d’Apollodore, lui dis-je, combien je te suis reconnaissant de m’avoir amené ici ! Ce que je viens d’entendre dire à Protagoras eest en effet pour moi du plus haut prix. Jusqu’ici, j’avais toujours cru que ce n’était aucun effort humain qui rendait les hommes bons ou mauvais : maintenant, je suis éclairé. Une légère difficulté pourtant m’arrête encore, mais je suis sûr que Protagoras n’aura pas de peine à l’éclaircir, après qu’il vient d’élucider tant de graves problèmes.

« Si l’on interrogeait sur ces mêmes sujets quelqu’un de nos orateurs politiques, 329peut-être un Périclès ou un autre maître de la parole nous ferait-il entendre d’aussi beaux discours ; mais quand on leur pose une question supplémentaire, ils

  1. C’est le coup droit à Socrate. De son point de vue, les deux