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PROTAGORAS

ciper, à laquelle chacun doive conformer toutes ses actions, quoi qu’il apprenne ou fasse d’ailleurs, sans jamais s’en écarter ; et, dans le cas où quelqu’un y resterait étranger, s’il convient de l’instruire et de le châtier, enfant, homme, ou femme, jusqu’à ce que la correction l’ait amélioré, ou sinon, lorsque les corrections et les conseils n’y font rien, s’il faut le considérer comme incurable et le chasser ou le faire mourir[1] : si tout cela est vrai et si, les choses étant telles, les hommes de bien cependant enseignent tout à leur fils, excepté cela, vois donc ce qu’il faut penser des hommes de bien ! Dans la vie publique et dans la vie privée, ils savent, nous l’avons établi, que la vertu peut s’enseigner ; mais, sachant ce que l’on peut faire avec de l’étude et des soins, ils n’enseignent à leurs fils que les choses dont l’ignorance n’entraîne aucun risque de mort ; et, au contraire, celles qui peuvent devenir pour leurs enfants, faute d’un enseignement et d’une culture de la vertu, une cause de mort ou d’exil, celles qui peuvent entraîner en outre la confiscation de leurs biens, et, pour ainsi dire, la subversion totale de leurs races, celles-là ils n’ont cure de les leur enseigner et d’y consacrer tous leurs soins ! Est-ce croyable, Socrate ?

« En réalité, on commence dès l’enfance et l’on continue durant toute la vie les leçons et les exhortations.

« Dès que l’enfant commence à comprendre le langage, la nourrice, la mère, le pédagogue, le père lui-même font effort sans relâche pour le rendre aussi parfait que possible ; à propos de tout ce qu’il fait ou dit, ils lui prodiguent les leçons et les explications : ceci est juste et ceci injuste, ceci est beau et ceci est laid, ceci est pieux et ceci impie ;. fais ceci et ne fais pas cela. Si l’enfant obéit de lui-même, rien de mieux ; sinon, comme on redresse un bâton tordu et recourbé, on le redresse par des menaces et des coups.

« Ensuite, quand on l’envoie à l’école[2], on recommande bien plus au maître la bonne tenue de l’enfant que ses progrès dans la connaissance des lettres ou de la cithare ; le maître, de son côté, y donne tous ses soins, et quand les enfants,

  1. Il n’est pas sans intérêt pour l’interprétation du mythe de noter que l’hypothèse formulée ici (324 e sq.) par Protagoras répond exactement aux deux recommandations de Zeus à Hermès.
  2. Après la famille, l’école. En deux phrases harmonieusement