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CHARMIDE

sans noblesse, il me répondit qu’il lui était également difficile de me dire sur-le-champ oui ou non. « Si je nie que je sois sage, je prononce contre moi-même un jugement assez déplacé, et en outre je donne un démenti à Critias, mon tuteur, ainsi qu’à toutes les personnes qui, selon lui, m’accordent la sagesse. D’autre part, si je réponds affirmativement et que je fasse mon propre éloge, mon langage paraîtra choquant ; de sorte que je ne sais comment te répondre. » — « Tes paroles, Charmide, lui dis-je, me paraissent fort raisonnables. Cherchons donc ensemble la réponse à ma demande ; de cette façon, tu n’auras pas à dire ce que tu ne veux pas dire, et je n’aborderai pas en aveugle ma tâche de médecin. Si tu le veux bien, je suis prêt à faire avec toi cette enquête, ou sinon, à te laisser tranquille. » — « Rien, dit-il, ne me serait plus agréable que cette recherche ; si tu n’as pas d’autre scrupule, fais-la donc de la manière qui te semblera la meilleure. »


Première définition de la sagesse ; examen de la définition.

— « Voici, dis-je, comment il me semble que nous devons procéder. Il est clair que, si tu possèdes la sagesse, tu dois t’en faire une certaine conception. Il est impossible qu’elle réside réellement en toi sans que tu aies la sensation de sa présence et sans que cette sensation fasse naître en ton esprit une opinion sur ce qu’elle est et sur son véritable caractère. N’est-ce pas ton avis ? » — « Oui, c’est mon avis. » — « Eh bien, puisque tu sais le grec, ne peux-tu m’expliquer en quoi consiste ce que tu penses[1] ? » — « Peut-être, » dit-il. — « Pour que nous puissions former une conjecture sur sa présence ou son absence, dis-moi donc, repris-je, ce qu’est la sagesse à ton avis. » — Il eut d’abord un instant d’hésitation et ne pouvait se décider à répondre. Il finit cependant par dire que la sagesse consistait à montrer en tout ce qu’on fait une dignité calme : dans sa démarche, dans sa conversation, dans toute sa conduite ; « en somme, dit-il, elle me paraît se résumer dans une certaine absence de précipitation. »

    sans manger, portant toujours, en signe de sa mission divine, une flèche qu’Apollon lui avait donnée.

  1. « Puisque tu sais le grec », dit Socrate ; il s’agit moins encore,