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LETTRE III.

tration parce qu’ils prétendaient que tu n’agissais que d’après mes conseils. Tu sais très bien [316a] que je me suis rarement mêlé aux affaires de mon plein gré. Encore ne l’ai-je fait que dans le commencement, alors que j’espérais pouvoir être utile, et je me suis borné à donner quelques soins aux préambules des lois. Et il en faut excepter ce qui a été ajouté par toi ou quelque autre ; car j’ai appris qu’on avait plus tard fait des interpolations, et elles ne manqueront pas de frapper ceux qui sont en état de reconnaître ma manière de penser et d’écrire. Je ne saurais donc être calomnié plus amèrement que je ne l’ai été auprès des Syracusains et auprès de tous ceux que ces discours ont trouvés crédules ; mais j’éprouve le besoin le plus pressant [316b] de me justifier contre la première accusation et aussi contre cette dernière qui est plus grave et plus odieuse. L’attaque est double ; il faut que je divise ma défense. Je démontrerai d’abord que j’ai toujours évité, comme je devais le faire, de prendre part aux affaires publiques ; et en second lieu, que jamais tu n’as trouvé dans mes conseils d’obstacles à ton projet de rétablir les villes [316c] grecques. Voici ma réponse sur le premier point.

Je suis venu à Syracuse pour obéir à tes instances et à celles de Dion. Dion m’était depuis longtemps attaché par les liens de l’hospitalité ; j’avais pour lui la plus grande estime ; il jouissait de cette maturité et de cette force de l’âge que le moindre bon sens reconnaît nécessaires à ceux qui veulent diriger des affaires aussi difficiles que les tiennes l’étaient alors. Toi, au contraire, tu étais dans la première jeunesse, sans aucune des connaissances [316d] dont tu avais besoin, et je ne t’avais jamais vu. Peu de temps après, par un malheur que je ne sais à qui attribuer, à un dieu, à un homme, ou à la destinée, Dion fut exilé et tu restas seul. Crois-tu qu’a-