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CLITOPHON

choses, l’une ne peut pas être appelée l’art ; mais l’œuvre de l’art, soit qu’on l’enseigne, soit qu’on l’apprenne, c’est la santé. Ainsi dans l’architecture, il y a deux choses : d’un côté l’architecture qui s’enseigne, et de l’autre son œuvre, c’est-à-dire la maison. Pour la justice, d’un côté elle forme des hommes justes, comme les arts dont nous venons de parler forment leurs artistes ; mais de l’autre côté [409c] quel est son ouvrage, dites-moi ? L’un, je crois, a répondu que c’est le profitable, l’autre ce qui convient, un troisième l’avantageux, un quatrième l’utile. Mais, leur répondis-je, on en dit autant dans les autres arts ; et quand quelque chose y est bien fait, on dit c’est utile, avantageux et le reste. Mais chaque art particulier a un objet auquel s’appliquent ces manières de parler ; ainsi dans l’art du fabricant de meubles, ce qui est bien, ce qui est beau, ce qui convient, c’est, dira-t-on, de faire [409d] bien les meubles : ce n’est pas là seulement l’art, mais l’œuvre de l’art[1]. Où trouverons-nous quelque chose d’analogue dans la justice ? Enfin, Socrate, un de tes amis, s’exprimant avec une élégance infinie, me répondit que l’œuvre propre de la justice, œuvre qu’elle ne partageait avec aucun autre art, c’est d’établir l’amitié entre les états. Je lui demandai ce que c’est que l’amitié : c’est un bien, me répondit-il, et ce ne peut jamais être un mal. Quant à ce que nous appelons amitié chez les enfants et les animaux, il ne voulut pas lui donner ce nom quand je le questionnai sur ce point, parce qu’il tomba d’accord [409e] que ces amitiés étaient plus souvent nuisibles que bonnes ; et, pour éviter cette conséquence, il ne voulut pas les appeler amitiés : il réserva ce nom pour la communauté de pensée. Puis, lorsqu’on lui demanda si cette communauté

  1. Mais l’œuvre de l’art, ajouté, avec Ficin, pour la clarté.