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ÉPINOMIS.

le plus de soin. [975e] Après tous ces arts, nous en avons encore d’autres, dont l’objet est d’être utile à l’homme en une infinité de rencontres. Le plus important et le plus étendu est l’art de la guerre. L’exercice en est très honorable ; il demande beaucoup de bonheur ; mais le succès y est naturellement attaché au courage plutôt qu’à [976a] la sagesse. Sans doute l’art qui porte le nom de médecine est d’un assez grand secours contre les ravages que font parmi les êtres animés les saisons par des froidures ou des chaleurs à contre-temps et d’autres accidents semblables ; mais ni l’un ni l’autre ne contribue à la vraie sagesse ; car sans règle fixe, ils ne s’appuient guère que sur des conjectures incertaines. Nous avouerons aussi que les pilotes et les matelots sont de quelque secours aux hommes ; mais que personne ne cherche à nous abuser en nous annonçant un sage parmi tous ces hommes, puisque pas un d’eux ne connaît la cause qui irrite ou qui apaise [976b] les vents, connaissance essentielle à la navigation. Il en est de même de ceux qui se portent pour défendre le droit d’autrui devant les tribunaux par le talent de la parole. Tout leur fait consiste en mémoire et en une certaine routine, habiles à discerner ce qui passe pour juste dans l’opinion des hommes, mais bien éloignés de connaître la vérité touchant la justice en elle-même.

Il y a encore une faculté de l’âme assez singulière qui contribue à donner la réputation de sage ; mais il est plus ordinaire de l’appeler un don de la nature qu’un fruit de la sagesse. Elle consiste à apprendre avec facilité, à posséder une mémoire vaste et sûre, [976c] à se rappeler à propos ce qu’il convient de faire en chaque circonstance, et cela avec beaucoup de promptitude. Plusieurs donnent à cette faculté le nom de talent naturel, d’autres de sagesse, d’autres de pénétration d’esprit ; mais