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que ce dont nous parlons est tout à la fois le juste et la cause. Car la cause, c’est ce par quoi, δι’ ὅ, une chose est produite, et c’est pour cela, m’a-t-on dit en confidence, que le nom de δίκαιον est propre et convenable. Mais lorsque après avoir écouté ceux qui me parlent de la sorte, je ne laisse pas de leur demander tout doucement. S’il en est ainsi, qu’est-ce donc, de grâce, que le juste ? ils trouvent que c’est pousser trop loin les questions et sauter, comme on dit, par-dessus la barrière. Ils prétendent que j’en ai assez demandé et assez entendu: et quand ils veulent rassasier ma curiosité, alors ils ne s’accordent plus, et ils s’expliquent chacun à leur manière. L’un dit : le juste, δίκαιον, c’est le soleil ; lui seul en effet gouverne les êtres, en les pénétrant et les échauffant, δικαίων κάων. Vais-je tout joyeux de cette découverte la redire à quelque autre, voilà un homme qui se moque de moi, et me demande si je crois qu’il n’y a plus de justice entre les hommes quand le soleil est couché. Et si je lui demande à lui-même son opinion : Le juste, me dit-il, c’est le feu[1]. Mais cela n’est pas encore très facile à comprendre. Un troisième définit le juste, non pas le feu, mais la cha-

  1. Ces différentes opinions, qui identifient le juste avec le soleil, le feu et la chaleur, paraissent avoir appartenu à l'école d'Héraclite. Voyez Schleiermacher, sur Héraclite, dans le Museum der Alterhums Wissenschaft t I, 453.