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que les noms nous représentent le monde comme livré à un mouvement et à un flux universel. N’est-ce pas le sens que tu leur attribues ?

CRATYLE.

Assurément, et ce sens est tout à fait juste.

SOCRATE.

Reprenons d’abord. le mot ἐπιστήμη, science ; c’est un mot ambigu, mais qui paraît exprimer plutôt l’arrêt de l’âme sur les choses, ἵστησιν ἐπὶ que son mouvement de concert avec elles, en sorte qu’il vaudrait mieux prononcer le commencement, comme on le fait aujourd’hui, et au lieu de retrancher l’ε[1], ajouter un ι : ἐπειστήμη. Le mot βέβαιον, stable, semble offrir l’image d’une base, βάσις, d’un état stationnaire et non pas du mouvement. ἱστορία, histoire, paraît signifier ce qui arrête le mouvement, ἵστησϊ τὸ ῥοῦν. Πίστον, croyable, renferme évidemment ἱστᾶν, arrêter. Μνήμη, mémoire, indique clairement la permanence, μονή, dans l’âme, et non pas un mouvement. Qu’on examine en outre les mots ἁμαρτία, erreur, et ξυμφορά, accident, et on y trouvera un sens analogue à celui que nous avions donné à ξύνεσις, compréhension, à ἐπιστήμη, science, et à beaucoup d’autres qui désignent des choses dignes de

  1. Voyez p. 81.