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DÉMODOCUS.


ront les suffrages ? Ou plutôt, n’y a-t-il pas une contradiction évidente entre votre réunion et vos suffrages, comme entre vos suffrages et l’empressement de ceux qui veulent vous conseiller ? Car vous vous réunissez, parce que vous êtes incapables et que vous avez besoin de conseils ; et quand vous portez des suffrages, vous agissez non plus en gens qui ont besoin de conseils, mais en hommes qui peuvent eux-mêmes juger et conseiller. D’un autre côté, quand on vous conseille, on se donne pour habile ; et vos suffrages ne font qu’accuser vos conseillers d’ignorance. Et si on vous demandait, a vous, après vos suffrages, ou à votre conseiller, quand il a donné son avis, si vous savez le motif qui vous porte à faire ce que vous avez voté, je ne pense pas que vous fussiez en état de répondre. Et s’il y a en effet un motif à votre décision, savez-vous si cette décision vous sera avantageuse ? Je crois encore que ni vous ni votre conseiller ne pourriez répondre à cette question. Enfin, quel est l’homme que vous estimez assez sage pour savoir tout cela ? C’est encore un point sur lequel je crois que vous ne tomberiez pas d’accord. Quand donc les choses sur lesquelles vous délibérez sont loin d’être d’une évidence frappante, quand vous les ignorez tous, suffragants et conseillers, vous avez bien raison de dire que souvent les mêmes hommes ont passé d’une conviction absolue au doute et au repentir sur les choses qu’ils conseillent ou qu’ils votent. Une telle conduite ne convient pas à des hommes de bien : ceux-ci savent ce qu’ils conseillent ; ils savent pourquoi ils le conseillent, et que ni eux ni leurs consultants n’auront jamais à s’en repentir. Voilà sur quelles matières je crois que des hommes raisonnables peuvent donner des conseils ; mais non pas sur celles pour lesquelles tu me demandes mon avis. Dans le premier cas, l’issue de la délibération ne peut être