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LETTRE VIII.

et de guerre avec le peuple et le sénat. Les différentes sortes de délits seront justiciables de tribunaux différents ; mais la mort et l’exil ne pourront être prononcés que par les trente-cinq auxquels on adjoindra d’autres juges choisis parmi les magistrats nouvellement sortis de fonctions, en prenant dans chaque ordre [356e] le plus estimé et le plus juste ; et ce sont eux qui prononceront pendant une année les condamnations à la mort, à l’exil et à la prison. Le roi ne prendra point de part à ces jugements, parce qu’il ne doit pas profaner la dignité sacerdotale dont il est revêtu, [357a] en concourant à des sentences de mort, de prison ou d’exil. Telles sont les pensées qui m’ont occupé toute ma vie et qui ne m’abandonnent point encore à ce moment. Et si les furies hospitalières[1] ne m’avaient point empêché de triompher de nos ennemis, je les aurais mises à exécution. Puis, pour peu que la fortune eût secondé mes vœux, j’aurais peuplé le reste de la Sicile de colonies grecques, chassé les Barbares des terres qu’ils occupent aujourd’hui, excepté pourtant ceux qui ont combattu contre les tyrans pour la liberté commune, [357b] et j’aurais ramené les Grecs qui habitaient autrefois certains territoires dans les anciennes demeures de leurs pères. Voilà le plan sur lequel je vous conseille de réfléchir. Ensuite commencez l’exécution : appelez tout le monde à y concourir, et si quelqu’un s’y refuse, regardez-le tous comme un ennemi public. Le succès n’est point impossible ; car ce que veulent à la fois deux âmes, ce qui se présente d’abord à des hommes occupés de la recherche du bien, il faudrait avoir perdu la raison [357c] pour l’appeler impossible. Or, ces deux âmes sont celles du fils d’Hipparinos, fils de Denys, et de mon propre fils. Ceux-ci une fois d’accord, je ne vois pas comment

  1. Allusion à l’assassinat de Dion par deux hommes qui étaient ses hôtes.