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LETTRE VII.

mon second voyage n’était ni téméraire ni imprudent. Les premiers temps de mon séjour [338a] en Sicile s’écoulèrent comme je vous l’ai dit plus haut. Alors je fis tous mes efforts pour engager Denys à me laisser partir, et nous convînmes que quand la paix serait faite, car alors la guerre tourmentait la Sicile, et quand il aurait raffermi son pouvoir, il rappellerait Dion et moi auprès de lui : il voulait que Dion [338b] regardât son éloignement non pas comme un exil, mais comme un simple voyage. Je promis de revenir à ces conditions. Quand la paix fut conclue, Denys me rappela ; mais en pressant mon retour, il priait Dion de différer le sien d’une année. Dion me conjura, m’ordonna même de partir sans délai : car le bruit était venu de Sicile que Denys s’était enflammé de nouveau d’un amour merveilleux pour la philosophie ; et, à cette nouvelle Dion me pressait de ne point retarder mon départ. Je savais bien [338c] que la philosophie cause souvent aux jeunes gens de ces sortes de passions ; je crus plus prudent de n’écouter ni Dion, ni Denys ; et les mécontentai tous deux en leur répondant que j’étais trop vieux, et que d’ailleurs on n’avait point observé les conventions. Il paraît qu’à cette époque, Archytas se rendit auprès de Denys ; car, avant mon départ, je lui avais procuré à lui, ainsi qu’à plusieurs autres philosophes tarentins, l’amitié [338d] et l’hospitalité de Denys. Il y avait aussi, à Syracuse des hommes qui avaient quelquefois entendu Dion, et d’autres qui avaient quelques connaissances philosophiques. Il semble que ces gens-là essayèrent de discuter sur ces matières avec Denys, comme s’il eût bien entendu tous mes principes. Lui, qui ne manquait pas de pénétration et était rempli d’amour-propre, trouva quelque plaisir à ces entretiens et craignit de paraître n’avoir point [338e] compris ce que je lui disais quand j’étais auprès de lui. De là le désir de