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LETTRE VII.

aurait obtenu auprès du peuple la même estime qu’elle aurait acquise dans le genre humain tout entier, si Denys avait été docile à nos conseils. Mais une divinité funeste ou quelque homme pervers l’empêcha par son injustice, par son impiété, et surtout par la témérité de l’ignorance, germe et racine de tous les maux pour tous les hommes, et qui porte les fruits les plus amers à ceux qui la cultivent ; oui, c’est elle qui a tout détruit et ruiné [336c] pour la seconde fois. Mais cette troisième fois, n’ayons que de bonnes paroles pour que les augures soient favorables. Je ne laisse pourtant pas de vous conseiller, à vous qui fûtes les amis de Dion, d’imiter son amour pour sa patrie et sa tempérance habituelle, et d’exécuter ses volontés comme si c’étaient celles des oracles. Vous les connaissez : je vous les ai clairement expliquées. S’il en est parmi vous qui n’ont pas la force de vivre à la mode dorienne [336d] de leurs pères, et qui veulent conserver les mœurs des Siciliens et des meurtriers de Dion, il faut ne les point recevoir et n’attendre d’eux ni aucune bonne action ni fidélité ; mais engagez tous les autres, tant Siciliens que Péloponnésiens, à peupler la Sicile entière et à y établir l’égalité des lois. Ne craignez rien d’Athènes ; car dans son sein il y a des hommes qui chérissent la vertu et détestent les forfaits de ceux qui assassinent un hôte. Mais s’il est trop tard, si les séditions renouvelées [336e] chaque jour vous environnent, tout homme à qui les dieux ont accordé quelque bon sens comprend qu’un peuple déchiré par les divisions ne saurait voir la fin de ses malheurs avant que le paru qui doit sa victoire aux combats, aux exils, [337a] aux sanglantes représailles, ne cesse ses vengeances, et, devenant maître de lui-même, ne donne des lois communes, également avantageuses aux vainqueurs et aux vaincus, et ne force tout le monde à les suivre par deux puissants moyens, la crainte et