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LETTRE VII.

jamais sage ? Il ne sera jamais tempérant ; et de même des autres vertus. Il n’y a pas de lois qui puissent jamais garantir le repos d’un État si les citoyens se persuadent qu’il faut tout dissiper [326d] en dépenses énormes, et que, sans s’occuper d’autres affaires, on ne doit songer qu’aux délices de la table et aux plaisirs raffinés de l’amour. Avec de telles mœurs, ces États doivent passer par toutes les vicissitudes de la tyrannie, de l’oligarchie et de la démocratie, sans jamais se fixer ; car ceux qui les gouvernent ne sauraient souffrir le seul nom d’un gouvernement juste et fondé sur l’égalité de la loi. Pénétré de ces observations, qui étaient venues s’ajouter aux précédentes, je partis pour Syracuse. [326e] Peut-être n’est-ce qu’un hasard ; mais il me semble qu’alors la main d’un Dieu jetait les semences de ce qui depuis est arrivé à Dion et aux Syracusains, et de ce qui vous arrivera à vous-même, je le crains, si vous ne suivez ces conseils que je donne pour la seconde fois.

Mais comment mon voyage [327a] en Sicile a-t-il été le germe de tous les événements qui sont survenus depuis ? Je vais vous l’apprendre. Je vis souvent Dion, alors encore jeune ; je développai devant lui, dans nos conversations, les principes que je croyais propres à faire le bonheur des hommes, et je l’engageai à les mettre en pratique, préparant ainsi, sans m’en douter, la ruine de la tyrannie. Dion, avec l’aptitude qu’il avait à comprendre toutes choses, et surtout celles que je lui enseignais, s’en pénétra plus promptement [327b] et plus profondément qu’aucun de mes jeunes disciples ; et il résolut dès lors de mener une vie toute différente de celle des Italiens et des Syracusains en général, et de préférer la vertu aux plaisirs et à la mollesse. De là sa haine pour tous les partisans de la tyrannie jusqu’à