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terrible et effrayant, les cheveux me dressent de peur sur la tête, et le cœur me bat.

[535d] Socrate.

Quoi donc, Ion ! Dirons-nous qu’un homme est en son bon sens, lorsque, vêtu d’une robe éclatante et portant une couronne d’or, il pleure au milieu des sacrifices et des fêtes, sans avoir rien perdu de sa parure ; ou qu’entouré de plus de vingt mille amis, il est saisi de frayeur, quoique personne ne le dépouille ni ne lui fasse aucun mal ?

Ion.

Non, Socrate, puisqu’il faut te dire la vérité.

Socrate.

Et sais-tu que vous faites passer les mêmes sentimens dans la plupart des spectateurs ?

[535e] Ion.

Je le sais très bien. Du lieu où je suis placé, je les vois habituellement pleurer, jeter des regards menaçants, et trembler comme moi au récit de ce qu’ils entendent. Il faut bien que je sois fort attentif à tout ce qui se passe en eux, car si je les fais pleurer, je rirai moi et recevrai de l’argent ; au lieu que si je les fais rire, je n’ai point d’argent à attendre et c’est à moi de pleurer.