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raconte avec rapidité, énergie et impartialité les événemens d’un des règnes les plus remarquables de la monarchie et qui prépara la révolution la plus importante dans le gouvernement et dans les mœurs ». Le volume de Pièces Justificatives, qui y fait suite, est justement estimé par tous ceux qui étudient les antiquités de notre histoire.

Les Mémoires Secrets des règnes de Louis XIV et de Louis XV sont un autre ouvrage historique de Duclos ; mais, dans le jugement qu’on en a porté, la critique n’est point venue se mêler à la louange. C’est que cet ouvrage étoit tout à fait dans l’espèce et dans la mesure de son talent. Les qualités qui lui manquoient pour composer une histoire en forme, auroient été déplacées dans des mémoires, et tous les défauts qu’il avoit montrés dans ce premier genre d’écrits, ont été précisément regardés comme autant de qualités dans le second. « Ces Mémoires, dit Chamfort, sont le fruit du travail de plusieurs années ; c’est le tableau des événemens qui se sont passés sous les yeux de Duclos, dont il a pénétré les causes, dont il a, en quelque sorte, manié les ressorts. L’auteur a vécu avec la plupart de ceux qu’il a peints. Il les avoit observés avec cette sagacité fine et profonde qu’il a développée dans les Considérations sur les Mœurs. C’étoit le vrai caractère de son esprit[1] ». Duclos, historiographe de France, ne vouloit pas qu’entre ses mains cet emploi fût un vain titre ; mais il ne vouloit pas non plus, comme il le disoit lui-même, s’avilir par l’adulation, ni se perdre par la vérité. Il se détermina donc à ne point faire imprimer, de son vivant, son Histoire du règne présent (c’est ainsi qu’il la nommoit), et, dans la crainte que le gouvernement ne s’en emparât et ne l’anéantît, il en fit faire plusieurs copies qu’il envoya, hors du royaume, à différentes personnes, entr’autres au cardinal de Bernis, son ami, qui joue lui-même un grand rôle dans la dernière partie de l’ouvrage. L’expérience a prouvé que cette précaution n’étoit pas tout à fait inutile ; car à peine Duclos eut-il les yeux fermés, qu’un exempt vint de la part du roi demander tous les papiers relatifs a l’histoire, qui pouvoient se trouver chez lui. L’existence des Mémoires Secrets étoit connue bien avant qu’ils fussent imprimés.

  1. Œuvres de Chamfort, tom. III, pag. 206.