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leur, une adulation servile, qui paroît et qui est en effet une nouvelle demande plutôt qu’un remercîment. J’ai vu de ces adulateurs vils, toujours avides et jamais honteux de recevoir, exagérant les services, prodiguant les éloges pour exciter, encourager les bienfaiteurs, et non pour les récompenser. Ils feignent de se passionner, et ne sentent rien ; mais ils louent. Il n’y a point d’homme en place qui ne puisse voir autour de lui quelques-uns de ces froids enthousiastes, dont il est importuné et flatté.

Je sais qu’on doit cacher les services et non pas la reconnoissance ; elle admet, elle exige quelquefois une sorte d’éclat noble, libre et flatteur ; mais les transports outrés, les élans déplacés sont toujours suspects de fausseté ou de sottise, à moins qu’ils ne partent du premier mouvement d’un cœur chaud, d’une imagination vive, ou qu’ils ne s’adressent à un bienfaiteur dont on n’a plus rien à prétendre.

Je dirai plus, et je le dirai librement : je veux que la reconnoissance coûte à un cœur, c’est à-dire qu’il se l’impose avec peine, quoiqu’il la ressente avec plaisir, quand il s’en est une fois chargé. Il n’y a point d’hommes plus reconnoissant que ceux qui ne se laissent pas obliger par tout le monde ; ils savent les engagemens qu’ils prennent, et ne veulent s’y soumettre qu’à l’é-