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vertu ; et quelquefois ce sera avec raison, sans qu’on puisse la faire adopter à des censeurs incapables de sentiment, et de faire les distinctions fines et honnêtes qui séparent le vice d’avec le malheur. Que ceux qui n’ont jamais aimé se tiennent pour dit, quelque supériorité d’esprit qu’ils aient, qu’il y a une infinité d’idées, je dis d’idées justes, auxquelles ils ne peuvent atteindre, et qui ne sont réservées qu’au sentiment.

Je viens de dire que des instans de dépit ne pouvoient pas être regardés comme un état fixe de l’âme, ni prouver que le mépris s’allie avec l’amour. Il me reste à prévenir l’objection qu’on pourroit tirer des hommes qui sentent continuellement la honte de leur attachement, et qui sont humiliés de faire de vains efforts pour se dégager. Ces hommes existent assurément, et en plus grand nombre qu’on ne croit ; mais ils ne sont plus amoureux, quelqu’apparence qu’ils en aient.

Il n’y a rien que l’on confonde si fort avec l’amour, et qui y soit souvent plus opposé, que la force de l’habitude. C’est une chaîne dont il est plus difficile de se dégager que de l’amour, surtout à un certain âge ; car je doute qu’on trouvât dans la jeunesse les exemples qu’on voudroit alléguer, non-seulement parce que les jeunes gens n’ont pas eu le temps de contracter cette habitude, mais parce qu’ils en sont incapables.