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communique, et développe celui des autres. Ceux qui l’ont en partage ne peuvent le méconnoître, et se rendent intérieurement justice ; car la modestie n’est, et ne peut être qu’une vertu extérieure ; c’est un voile dont on couvre son mérite, pour ne point blesser les yeux de l’envie : au lieu que l’humilité est le sentiment, l’aveu sincère de sa foiblesse. Ils n’ignorent pas aussi que cet esprit même qui semble appartenir uniquement à la nature, a presqu’autant besoin d’exercice que les talens pour se perfectionner ; mais si la présomption les gagne ; s’ils viennent à s’exagérer leur esprit, en prenant leur facilité à s’instruire pour les connoissances mêmes ; leur prévoyance, leur sagacité, pour l’expérience, ils tombent dans des bévues plus grossières que ne font les hommes bornés, mais attentifs. Les chutes sont plus rudes quand on court que lorsqu’on marche lentement. L’esprit est le premier des moyens ; il sert à tout, et ne supplée presqu’à rien.

Dans l’examen que je viens de faire, mon dessein n’est assurément pas de dépriser le vrai bel esprit. Tout peut, à la vérité, être regardé comme talent, ou, si l’on veut, comme métier. Mais il y en à qui exigent un assemblage de qualités rares ; et le bel-esprit est du nombre. Je prétends seulement que, s’il est dans la première classe,