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aux instances, et se hasardent à entrer dans la carrière dont ils étoient les arbitres. Leurs premiers essais profitent du préjugé favorable de leur société. On loue, on admire, on se récrie que le public ne doit pas être privé d’un chef-d’œuvre. La modeste complaisance de l’auteur se laisse violer, et consent à se produire au grand jour.

C’est alors que l’illusion s’évanouit ; le public condamne l’ouvrage, ou s’en occupe peu ; les admirateurs se rétractent, et l’auteur déplacé apprend, par son expérience, qu’il n’y a point de profession qui n’exige un homme tout entier. En effet, on citeroit peu d’ouvrages de goût, qui ne soient partis d’auteurs de profession ; parmi lesquels on doit comprendre ceux qui peuvent avoir une profession différente, mais qui ne s’en livrent pas moins à l’étude et à l’exercice des lettres, souvent avec plus de goût et d’assiduité qu’aux fonctions de leur état. En effet, ce qui constitue l’homme de lettres n’est pas une vaine affiche, ou la privation de tout autre titre ; mais l’étude, l’application, la réflexion et l’exercice.

Les mauvais succès ne détrompent pas ceux qu’ils humilient. Il n’y a point d’amour-propre plus sensible et moins corrigible que celui qui naît du bel-esprit ; et il est infiniment plus om-