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des talens marqués. Il seroit à désirer pour le bien de la société qu’ils s’y fussent totalement livrés, parce que leur génie et leur état étant restés en contradiction, ils ne sont bons à rien.

Ces talens décidés, ces vocations marquées sont très-rares ; la plupart des talens dépendent communément des circonstances, de l’exercice et de l’application qu’on en a faits. Mettons un peu ces prétendus talens naturels et non cultivés à l’épreuve.

Nous voyons des hommes dont l’oisiveté forme, pour ainsi dire, l’état ; ils se font amateurs de bel-esprit ; ils s’annoncent pour le goût, c’est leur affiche ; recherchent les lectures ; ils s’empressent ; ils conseillent ; ils veulent protéger, sans qu’on les en prie, ni qu’ils en aient le droit ; et croient naïvement, ou tâchent de faire croire qu’ils ont part aux ouvrages et aux succès de ceux qu’ils ont incommodés de leurs conseils.

Cependant ils se font par-là une sorte d’existence, une petite réputation de société. Pour peu qu’ils montrent d’esprit, s’ils restent dans l’inaction, et se bornent prudemment au droit de juger décisivement, ils usurpent dans l’opinion une espèce de supériorité sur les talens mêmes. On les croit capables de faire tout ce qu’ils n’ont pas fait, et uniquement parce qu’ils n’ont rien fait. On leur reproche leur paresse ; ils cèdent