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eu envie de voir l’Italie. Il partit pour ce beau pays, le 16 mars 1766, et il en étoit revenu le 17 juin 1767. Ce voyage nous a valu un ouvrage charmant dont nous parlerons en son lieu[1].

Duclos avoit reçu, pendant son retour, la nouvelle de la mort de sa mère[2]. Il ne lui survécut que cinq ans : il mourut à Paris le 26 mars 1772, âgé de soixante-huit ans, un mois et quatorze jours, étant né le 12 février 1704. Il fut peu de jours alité ; un journaliste dit dans le temps : « À la faveur de la brièveté de sa maladie, il s’est échappé de ce monde sans bruit et sans scandale ». Cette phrase, que quelques gens ont trouvée bonne puisqu’ils l’ont répétée, n’est qu’une espèce de saillie sans vérité. Il sembleroit que Duclos s’est dépêché de mourir pour éluder les formalités religieuses. Ce qui est moins plaisant, mais plus vrai, c’est qu’il vit son curé, s’entretint avec lui et se soumit à ce qu’exigeoit l’église[3]. M. l’abbé de Vauxcelles, dans les notes dont nous avons déjà parlé, prétend que Duclos s’échappa, comme il put, vers l’autre monde (car il se sert aussi de la phrase), persuadé qu’il n’y avoit qu’un purgatoire ; et il ajoute que Duclos lui dit à ce sujet : Mon credo s’est accru ; mais je n’admets pas encore un enfer. Nous ignorons s’il se rendit sur ce dernier point, et ce sont des secrets entre le ciel et lui ; mais ce qu’on sait mieux, et ce qu’humai-

  1. M. l’abbé Bourlet de Vauxcelles, dans des notes qu’il a écrites à la marge d’un exemplaire des Mémoires Secrets, que nous avons entre les mains, dit : « Pour le punir d’avoir trop parlé dans l’affaire de La Chalotais, on s’amusa à lui faire peur, et il s’enfuit jusqu’en Italie. Il fut très-bien traité par le cardinal de Bernis ; mais les Romains ne lui pardonnoient pas de ne les avoir jamais voulu appeler que les Italiens de Rome, pour ne les pas confondre avec le populum latè regem ». Il y a beaucoup de malignité dans cette manière de présenter les faits. D’abord il n’étoit pas très facile de faire peur à Duclos ; et puis pourquoi appeler fuite un voyage que ses amis et la prudence lui conseilloient, et auquel son inclination le portoit ? Nous aurons encore occasion plus d’une fois de redresser les erreurs de fait et les torts d’opinion de M. de Vauxcelles envers Duclos, à qui pourtant il avoit fait une cour très-assidue.
  2. Elle est morte en 1767, dans sa cent deuxième année.
  3. M. Chapeau, curé de St.-Germain-l’Auxerrois, sortant d’une longue et dernière conférence avec Duclos, dit à M. Abeille : Je suis content.