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qui attaquent sa réputation. Il en est comptable au monde, et non pas à des particuliers intéressés, aveugles ou téméraires.

Ce n’est pas qu’on ne puisse mériter à la fois une grande renommée et une mauvaise réputation ; mais la renommée, portant principalement sur des faits connus, est ordinairement mieux fondée que la réputation, dont les principes peuvent être équivoques. La renommée est assez constante et uniforme ; la réputation ne l’est presque jamais.

Ce qui peut consoler les grands hommes sur les injustices qu’on fait à leur réputation, ne doit pas la leur faire sacrifier légèrement à la renommée, parce qu’elles se prêtent réciproquement beaucoup d’éclat. Quand on fait le sacrifice de la réputation par une circonstance forcée de son état, c’est un malheur qui doit se faire sentir, et qui exige tout le courage que peut inspirer l’amour du bien public. Ce seroit aimer bien généreusement l’humanité, que de la servir au mépris de la réputation ; ou ce seroit trop mépriser les hommes, que de ne tenir aucun compte de leurs jugemens ; et dans ce cas les serviroit-on ? Quand le sacrifice de la réputation à la renommée n’est pas forcé par le devoir, c’est une grande folie, parce qu’on jouit réellement plus de sa réputation que de sa renommée.