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rité. Il y a bien loin de la politesse à la douceur, et plus encore de la douceur à la bonté. Les grands qui écartent les hommes à force de politesse sans bonté, ne sont bons qu’à être écartés eux-mêmes à force de respects sans attachement.

La politesse, ajoute-t-on, prouve une éducation soignée, et qu’on a vécu dans un monde choisi ; elle exige un tact si fin, un sentiment si délicat sur les convenances, que ceux qui n’y ont pas été initiés de bonne heure, font dans la suite de vains efforts pour l’acquérir, et ne peuvent jamais en saisir la grâce. Premièrement, la difficulté d’une chose n’est pas une preuve de son excellence. Secondement, il seroit à désirer que des hommes qui, de dessein formé, renoncent à leur caractère, n’en recueillent d’autre fruit que d’être ridicules ; peut-être cela les ramèneroit-il au vrai et au simple.

D’ailleurs cette politesse si exquise n’est pas aussi rare que ceux qui n’ont pas d’autre mérite voudroient le persuader. Elle produit aujourd’hui si peu d’effet, la fausseté en est si reconnue, qu’elle en est quelquefois dégoûtante pour ceux à qui elle s’adresse, et qu’elle a fait naître à certaines gens l’idée de jouer la grossièreté et la brusquerie pour imiter la franchise, et couvrir leurs desseins. Ils sont brusques sans être francs, et faux sans être polis.