Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/541

Cette page a été validée par deux contributeurs.
529
STOÏCIENS NOUVEAUX.

décousues, et que de ces libres et paisibles effusions on fait un sujet d’érudition ou de controverse. Ce n’est pas une œuvre de philosophie, mais, si l’on peut dire, de piété stoïque. On ne le comprend que si on le lit avec le cœur. Une âme qui se retire dans la solitude, qui veut oublier les jugements des hommes, les livres, le monde, qui ne s’entretient qu’avec elle-même et avec Dieu, ne doit pas être l’objet de curiosités vaines. Il y a comme une bienséance morale à l’écouter comme elle parle, avec candeur, à se laisser charmer par son accent. Serait-ce donc se montrer trop profane que d’apporter à la lecture et à l’étude de ce livre si pur quelques-uns des sentiments que nous croyons nécessaires pour bien goûter la mysticité de Gerson ou de Fénelon ? »



CHAPITRE XLV.

LUCIEN.


Vie de Lucien. — Scepticisme de Lucien. — Lucien moraliste et écrivain. — Romans de Lucien. — Lucius ou l’Âne. — Histoire véritable. — Poésies de Lucien.

Vie de Lucien.


Lucien naquit à Samosate, capitale de la Comagène, province de Syrie. On ne sait ni la date de sa naissance ni celle de sa mort. On sait seulement qu’il fut contemporain de Trajan, d’Adrien et des Antonins, et qu’il parvint à une grande vieillesse. Ses parents le destinaient à la profession de sculpteur ; mais il n’avait aucun goût pour cet art. Il abandonna, dès la première leçon, le maître à qui on l’avait confié, et qui était le frère de sa mère. Il s’adonna tout entier à l’étude des belles-lettres, et il fut bientôt en état de tirer parti de ses talents. Jusqu’à l’âge de quarante ans, il se borna à plaider ou à donner des leçons de rhétorique, d’abord à Antioche, puis à Athènes. C’est alors qu’il commença à écrire pour le public et à voyager. Il vint en Italie et il y fit un assez long séjour. Il passa de là dans les Gaules, ensuite dans