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CHAP. XXVIII. ORAT. DE LA FIN DU Ve SIÈCLE AV. J. C.


CHAPITRE XXVIII.

ORATEURS DE LA FIN DU CINQUIÈME SIÈCLE AVANT J. C.


Démagogues. — Hommes d’État. — Antiphon. — Discours attribués à Antiphon. — Andocide. — Lysias.

Démagogues.


Dès que Athènes se fut laissé corrompre par les enseignements des sophistes, elle devint la proie des démagogues ; et les dernières années de Périclès, attristées par des calamités domestiques, le furent même un instant par l’injustice populaire. Ces chefs nouveaux, dont le peuple raffolait, n’étaient autre chose que les orateurs politiques formés par les sophistes. Ainsi ce que les sophistes ont fourni à la tribune athénienne, ce sont des hommes du genre de Cléon, d’Hyperbolus, de ce Lycon que j’ai nommé tout à l’heure ; c’est une foule de noms plus ou moins honnis dans l’histoire, et dont quelques-uns ne sont même connus que grâce aux sarcasmes des anciens comiques. Le seul de ces orateurs qui paraisse avoir eu un talent assez remarquable, c’est Cléon, comme il était sans doute le seul aussi qui eût du courage. Mais Cléon était un ambitieux sans principes, un homme farouche et emporté. Son éloquence se sentait à la fois et de la violence de son caractère et de la bassesse de son âme. Il avait le geste véhément, et Plutarque dit quelque part que Cléon fut le premier orateur qu’on vit ouvrir son manteau en parlant et se frapper la cuisse. Une certaine adresse impudente lui servait à dissimuler la perversité de ses desseins, et à les faire passer sous le couvert de l’intérêt général ; et sa verve intarissable, son outrecuidance militaire enchantaient les Athéniens. Thucydide dit de Cléon : « C’était le plus violent des citoyens, et celui de tous les orateurs d’alors dont le peuple goûtait le mieux les conseils[1]. » Il fut donné à Cléon de pré-

  1. Thucydide, livre III, chapitre XXXVI