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CHAPITRE XXVI.

de prendre en main la cause la plus faible, et puis de la gagner. » Il est impossible de mieux résumer que ne l’a fait Aristophane, non pas, comme Aristophane le prétendait, les principes moraux de Socrate et le but de ses enseignements, mais la morale, mais les desseins avoués ou secrets de ceux qui s’enorgueillissaient en ce temps-là du nom de sophistes.


Les sophistes.


Le mot sophiste signifie, dans son acception propre, un homme habile, un savant. C’est le nom dont se parèrent, vers le milieu du cinquième siècle, une foule d’hommes venus de tous les coins de la Grèce, et qui s’abattirent sur Athènes, où ils trouvèrent ce qu’ils cherchaient : l’argent et la réputation. Gorgias de Léontium, Protagoras d’Abdère, Prodicus de Céos, Hippias d’Élis, Thrasymaque de Chalcédoine, Polus d’Agrigente, Euthydème de Chios et d’autres encore, tous les sophistes enfin, maîtres et disciples, se vantaient de posséder la science universelle. Ils discouraient sur tous les sujets avec une abondance intarissable, et ils enseignaient, moyennant finance, l’art d’en faire autant. Ils assemblaient la foule au théâtre, dans les gymnases, sur la place publique, et ils défiaient les auditeurs de proposer aucune question qu’ils ne fussent en état de résoudre. Ils improvisaient indifféremment un discours politique ou une dissertation grammaticale ; une oraison funèbre ou l’éloge de la fièvre ; un plaidoyer en faveur de la mouche, de l’escarbot, de la punaise, ou la défense d’un innocent traduit en justice. Et ils s’enrichissaient. Les disciples affluaient ; tout le monde aspirait à parler aussi de tout ce qui se peut savoir et d’autres choses encore.


Doctrines et éloquence des sophistes.


Le fond de la sophistique est un scepticisme absolu. Gorgias enseignait qu’il n’y a rien de réel, que rien ne peut être connu, et que les mots ne répondent pas à des objets véritables. Protagoras faisait de l’homme, selon son expression