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THUCYDIDE.

ranimait leur audace. C’était, de nom, un gouvernement populaire : de fait, il y avait un chef, et l’on obéissait au premier de tous les citoyens[1]. »

Pour traduire cette intraduisible langue, il m’a, fallu ajouter beaucoup de mots ; et je n’ai pas même pu conserver la tournure ni la physionomie de la moindre des phrases, de Thucydide. Je ne garantis guère que la pensée, non pas tout entière peut-être, mais telle que je l’ai sentie ; et, même ainsi nue et défigurée, elle est assez belle encore pour justifier au besoin les plus passionnés éloges.



CHAPITRE XXV.

ANCIENNE ÉLOQUENCE POLITIQUE.


Origines de l'éloquence, selon les rhéteurs. — Véritables origines de l'éloquence. — Thémistocle. — Aristide. — Périclès.

Origines de l’éloquence, selon les rhéteurs.


Les historiens et les critiques ont un thème tout fait sur les origines de l’éloquence. Ils sont généralement d’avis que l’éloquence naquit en Sicile, et qu’un certain Corax en fut le père. Ils disent qu’un autre Sicilien, nommé Gorgias, la transplanta en Attique vers l’an 440 ; et, grâce aux travaux de ce grand homme et de ses illustres disciples, elle ne tarda pas à s’acclimater dans sa nouvelle patrie, et elle s’y développa avec une merveilleuse rapidité. Voilà ce qu’on lit dans une foule de livres, sinon textuellement, du moins quant à la substance. Je comprends très-bien que les Grecs aient été dupes jadis d’une illusion pardonnable ; qu’ils aient pris les agencements de mots, imaginés par Gorgias et les siens pour l’éloquence elle-même, et qu’ils aient appelé du même nom l’orateur véritable et le vide parleur ; mais j’ai toujours admiré qu’on ne se lassât pas de répéter ce que les rhéteurs

  1. Thucydide, livre II, chapitre LXV