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THÉOLOGIENS ET PHILOSOPHES POËTES.

trange et redoutable phénomène, qui ne datait en Sicile que de quelques années, comme Pline le naturaliste devait plus tard sacrifier sa vie quand le Vésuve, après des siècles de repos, redevint un volcan et détruisit d’un seul coup trois ou quatre villes.

Empédocle était, sans contredit, le premier savant de son siècle. Il l’emportait sur Parménide, dont il fut peut-être le disciple, par l’étendue de ses connaissances, surtout dans l’ordre des choses physiques. C’est lui qui avait trouvé les moyens d’assainir les marais de Sélinonte, comme l’attestent encore aujourd’hui de magnifiques médailles. D’autres services d’un genre analogue, rendus à d’autres villes, suffisent pour expliquer la haute estime où le tenaient ses concitoyens, et comment les Doriens de la Sicile voyaient en lui un personnage doué de facultés surhumaines et de dons prophétiques. Il a célébré lui-même, en vers pompeux, les triomphes de son génie : « Salut à vous, mes amis, qui habitez le haut de la ville immense, sur les rives dorées de l’Acragas, livrés aux nobles et utiles travaux. Je suis pour vous un dieu immortel, non je ne suis plus un mortel, lorsque je m’avance au milieu d’universelles acclamations, environné de bandelettes comme il convient, couvert de couronnes et de fleurs. Aussitôt que j’approche de vos cités florissantes, hommes et femmes viennent me saluer à l’envi. Ceux-ci me demandent la route qui conduit à la fortune, ceux-là la révélation de l’avenir ; les autres m’interrogent sur les maladies de tout genre. Tous viennent recueillir mes oracles infaillibles. »

La philosophie d’Empédocle était toute mystique et enthousiaste : il admettait la métempsycose ; il regardait l’homme comme une divinité déchue, et condamnée, pour quelque méfait commis durant sa vie antérieure, à demeurer loin du séjour des immortels jusqu’au moment où l’expiation serait accomplie. Il se rapproche, sur beaucoup de points importants, des doctrines de Parménide et de Xénophane. L’influence des deux philosophes ioniens est manifeste, non-seulement dans les idées du philosophe dorien, mais dans la forme sous laquelle il a présenté son système, dans l’emploi de la langue et du mètre épiques, et jusque dans le choix du titre de son