Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11
PRÉLIMINAIRES.

L’union de ces deux divinités n’était que l’expression symbolique de l’action fécondante de la pluie. Virgile, fidèle aux traditions antiques, dit encore, à la façon des Grecs : « Alors le Père tout-puissant, l’Éther, descend en pluies vivifiantes dans le giron de son épouse joyeuse[1]. »

A côté du dieu suprême, siégeaient d’autres dieux, qui étaient à leur tour comme les personnifications de quelques-uns de ses attributs : ils répandaient pour lui les bienfaits de la lumière, et ils combattaient les puissances malfaisantes et ténébreuses. Telle était Athéné, pour nous Minerve, née de la tête de Zeus son père : elle protégeait les cités, et elle représentait à la fois la sagesse et la vaillance. Tel était Apollon, le conducteur du soleil ou le soleil lui-même. La Terre avait, comme le Ciel, ses divinités subordonnées. Hermès faisait sortir du sein de la terre tous les trésors de la fécondité. Coré, plus tard nommée aussi Perséphone, la Proserpine des Latins, cette fille de Déméter, alternativement perdue et recouvrée par sa mère, c’était le symbole même de la fécondité, dont les énergies passent alternativement chaque année du repos à l’activité et de l’activité au repos. Je n’ai pas besoin de remarquer que d’autres puissances naturelles, d’autres éléments, comme disaient les anciens, durent avoir, dès les premiers temps, leurs personnifications particulières. Ainsi l’eau était une divinité, sous le nom de Posidon, que nous traduisons, d’après les Latins, par Neptune ; le feu en était une autre, sous celui d’Héphestus, le Vulcain de la mythologie latine. Une fois engagés dans cette route, les esprits ne pouvaient guère s’arrêter ; et il est probable que la plupart des noms de divinités, ceux des plus importantes surtout, furent consacrés durant la période primitive, et que ces noms correspondaient, à l’origine, avec les phénomènes les plus sensibles de la nature.

Un nom symbolique, voilà à peu près ce que furent d’abord les mythes chez les Grecs ; mais cet état rudimentaire dut cesser assez vite, et bientôt ces noms eurent corps, âme et visage. L’anthropomorphisme, comme on dit, ne tarda

  1. Géorgiques, livre II, vers 325, 326.