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CHAPITRE XIII.

ces expressions, si fréquentes chez Pindare, hymne épicomien, mélodie encomienne.

La langue de Pindare est loin d’être purement dorienne. Le fond en est épique ; et les formes doriennes ou quelquefois éoliennes dont le poëte l’assaisonne ne sont pas déterminées, comme on le pourrait croire, seulement par une volonté fantasque : c’est presque toujours la forme métrique et musicale qui en décide, et qui appelle le dialecte le plus analogue au nome adopté, par conséquent à la nature et à la tournure des sentiments et des idées. On peut distinguer, même encore aujourd’hui, trois sortes d’hymnes dans le recueil. Il y en a de doriens, d’éoliques, de lydiens. Dans les hymnes doriens, on retrouve les mêmes rythmes que dans les chœurs de Stésichore, et notamment ces systèmes de dactyles et de dipodies trochaïques, qui ont presque la noblesse de l’hexamètre et sa gravité majestueuse. Le caractère de ces hymnes a quelque chose de particulièrement digne et calme ; les récits mythologiques y sont développés avec ampleur ; le poëte se renferme plus étroitement dans les conditions générales de son sujet, et évite d’introduire sa personnalité et ses sentiments propres au travers de l’harmonieux ensemble. Les rythmes des odes éoliques sont, au contraire, ces mètres légers qu’affectionnaient les poëtes lesbiens, et dont nous avons parlé ailleurs. C’est dans ces odes surtout que Pindare se met à l’aise. Son allure est vive et rapide, souvent capricieuse ; quelquefois même il s’arrête court au milieu d’un récit ; il s’interrompt par quelque apostrophe inattendue ; il se mêle lui-même à tout ce qu’il dit, et il s’adresse à son héros avec un ton moins solennel que d’ordinaire, et qui prend par instants une teinte de familiarité. Il nous entretient complaisamment de ses relations avec celui qu’il célèbre, de ses querelles personnelles avec ses rivaux littéraires : il vante son propre style et déprime le style des autres. En somme, l’ode éolique, comme le remarque Otfried Müller, est plus variée, plus vive, moins élevée et moins uniforme que l’ode dorienne. Rien de plus différent, en effet, que la première Olympique, avec ses joyeuses et brillantes images, et la seconde, où domine un souffle d’orgueil qui tient constamment le poëte