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SUITE DE LA POÉSIE ÉLÉGIAQUE.

tie morale qui eût été noble matière à des poëmes d’une sévère facture, comme il les savait composer. Si le préambule des lois de Zaleucus était écrit en vers, dans le style de ceux de Solon, ce serait un poëme didactique admirable.

Quand Solon eut mené à bout le grand œuvre de la réforme, il n’hésita pas à s’applaudir lui-même. Il écrivit de nouvelles élégies, pour faire comprendre aux citoyens toute l’étendue des bienfaits dont il les avait dotés : « J’ai donné au peuple, dit-il, le pouvoir qui suffisait, sans rien retrancher à ses honneurs, sans y rien mettre de trop. Quant aux puissants, aux hommes fiers de leur opulence, je ne leur ai point permis l’injustice. J’ai armé chaque parti d’un invincible bouclier : ni l’un ni l’autre ne peuvent plus s’opprimer jamais. »


Œuvres de la vieillesse de Solon.


On sait comment Solon quitta Athènes pour quelque temps, afin que ses concitoyens s’accoutumassent à appliquer eux-mêmes les institutions nouvelles, et comment, durant ses voyages, il contribua à la fondation d’une ville dans l’île de Chypre. Le roi de qui cette ville dépendait lui avait donné le nom de Soles, en l’honneur de l’illustre Athénien. Solon, en quittant son hôte, lui fit ses adieux dans une élégie dont Plutarque cite ce passage : « Puisses-tu régner ici, à Soles, de longues années, paisible dans ta ville, toi et tes descendants ! Pour moi, que mon rapide vaisseau m’emporte sain et sauf loin de cette île célèbre, protégé par Cypris à la couronne de violettes. Puisse cette fondation me valoir, par la déesse, reconnaissance, noble gloire, et un heureux retour dans ma patrie ! »

Solon, à son retour, trouva sa patrie divisée entre les factions de Mégaclès et de Pisistrate. Bientôt Pisistrate, soutenu par la populace, maître de la citadelle et défendu par une garde d’hommes armés, fut dans Athènes un véritable roi, ou, comme parlaient les Grecs, un tyran. Solon s’opposa avec une extrême énergie à l’adoption des décrets proposés par Ariston en faveur de Pisistrate. Même après l’établissement de la tyrannie, il ne se tut pas. Il gourmanda vivement les