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pouvoirs, tous les privilèges se trouvaient aux mains de ceux qu’on appelait les « Égaux », quelques centaines seulement, descendant des chefs doriens qui avaient occupé la Laconie au début et en avaient transformé les habitants en « Ilotes », c’est-à-dire en esclaves privés de tous droits. Les Laconiens, répartis dans les bourgs et villages environnants, étant beaucoup plus nombreux que les Doriens inspiraient à ceux-ci de perpétuelles craintes. La même discipline brutale et sectaire qui faisait disparaître les rejetons chétifs de la race dominante pour lui conserver sa vigueur, conduisait au massacre périodique des représentants les meilleurs de la race vaincue lorsque celle-ci devenait trop prolifique. Défendue par les hautes montagnes qui l’encerclaient et lui fournissaient le fer nécessaire à ses industries guerrières, Sparte sacrifia tout à son armée. Elle confisqua l’enfant dès l’âge de sept ans, en fit la chose de l’État, lui durcit prodigieusement les muscles et le caractère, ne le munit ni d’instruction ni d’idéal, ne craignit point de lui enseigner au besoin que l’hypocrisie et le mensonge sont aussi des armes. La politique intérieure fut toute de méfiance et de contrôle. Défense aux étrangers d’entrer, aux nationaux de sortir sans permission. Quant à la politique extérieure, elle consista à lutter partout contre le démocratisme, à entretenir les ambitions et à encourager les entreprises des aristocrates. Le bluff incessant dont Sparte s’entourait, si grossier fut-il parfois, exerça une emprise sur les autres cités. Sparte était parvenue à se faire passer pour grecque et elle se donnait comme invincible. Des événements prochains allaient faire justice de cette dernière