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cela le choquait infiniment ; il soupçonnait quelque chose de plus large, de plus vaste, de plus scientifique surtout, et la résolution de chercher ce quelque chose s’enracinait dans son esprit.

Il le chercha pendant de longues années, à travers les steppes de la Russie et de l’Asie, dans les campagnes et dans les villes, auprès des ouvriers de la terre et de la mer, s’asseyant à tous les foyers, observant, interrogeant, analysant tour à tour les peuples prospères chez lesquels règne la paix sociale et les peuples désorganisés que distinguent l’antagonisme des classes et la fragilité des institutions, les sociétés simples où les rouages fondamentaux existent seuls, où la famille est non seulement le principal mais l’unique groupement et les sociétés compliquées qui ressemblent, comme celle de ce pays-ci, à nos machines modernes avec leurs engrenages multiples et leurs savantes combinaisons… et ce fut seulement après avoir achevé cette incroyable odyssée qu’il crut pouvoir, appliquant à son pays le résultat de ses observations, indiquer à la fois la cause du mal et le remède.

Vous le voyez, Messieurs, l’œuvre de Frédéric Le Play est double : d’une part, elle est ouverte sur les perspectives jusqu’alors inexplorées d’une science nouvelle que nous appelons la science sociale, et qui, si elle possède sa méthode d’observation et si elle est basée sur des connaissances déjà étendues, n’en est pas moins comme toutes les sciences, susceptible de grands progrès, — et, d’autre part, elle contient un programme de réforme sociale en France, programme dont tous les points reposent sur