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nom — qui président aux choix des carrières, ils disparaissent, mais lentement ; beaucoup déclarent encore, comme le gendre de M. Poirier, que leur condition ou leurs opinions ne leur laissent que trois alternatives : être soldats, prêtres ou laboureurs ; il serait temps de reconnaître pourtant que le travail industriel ne ternit pas les blasons.

Je ne dirai plus que quelques mots sur le patronage, car je me reproche d’avoir déjà abusé de votre attention, messieurs. De même que les grands propriétaires en interprétant faussement le passé se sont crus libérés de tous devoirs envers les paysans, de même beaucoup d’industriels prenant au pied de la lettre la fameuse loi de l’offre et de la demande, nient qu’aucune obligation les puisse lier à leurs ouvriers ; les premiers voient dans la terre un simple placement ; les seconds regardent le travail comme un vulgaire produit. Dans l’un et l’autre cas l’injustice du procédé provoque des haines (je n’ose point dire légitimes), mais excusables. Et comme les ouvriers concourent plus directement à la fortune du patron, comme ils sont aigris par l’atmosphère de l’usine, comme ils s’excitent mutuellement à la révolte, leurs rancunes sont plus profondes, plus violentes et plus dangereuses.

Cependant il y a des usines françaises qui présentent le plus noble spectacle ; un bienfaisant patronage y maintient une véritable permanence des engagements et les grèves y sont rares. Qui n’a entendu au moins parler des merveilles accomplies par les Schneider au Creusot, les Marne à Tours, les Thiriez à Lille, les Gillet à Lyon ? Ces « ducs et pairs » de la société moderne savent faire régner la