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pas aussi loin de la réalité qu’ils en ont l’air. Le souffle de décentralisation qui animait, il y a seize ans, l’Assemblée nationale pourrait reprendre ; il n’est le monopole d’aucun parti. En tous cas, il me semble voir se répandre le sentiment que le remède n’est pas dans les formes politiques ; on se détache peu à peu des questions qui occupaient jusqu’ici pour s’attacher à d’autres, plus vitales et trop longtemps restées dans l’ombre. Et puis, pour stimuler ce mouvement, il y a le danger du socialisme qui nous envahit à la faveur de la centralisation, sans presque que nous daignions nous en apercevoir. Nous n’avons guère de remparts à lui opposer. Jamais société n’a été mieux disposée pour recevoir son empreinte. C’est par l’impôt qu’il menace d’être victorieux. L’égalité devant l’impôt qui fut longtemps l’objet des justes revendications de la démocratie opprimée est bien dépassée ; et l’on rêve de faire de l’inégalité par en dessous ; ce sera un moyen de rétablir l’équilibre des richesses… on le croit du moins. Avec quelle joie beaucoup de « riches » accepteraient un sacrifice capable de chasser la misère de ce monde : mais nous savons bien, Messieurs, que c’est là une utopie, qu’un peuple qui empêche ses enfants de s’enrichir compromet sa force et même son existence nationale, et que c’est en vain qu’il se révoltera contre la plus ancienne et la première des lois sociales, la loi de l’inégalité. Aussi ne cédons-nous à aucun entraînement, n’acceptons-nous aucune compromission. Le socialisme, quelle que soit sa couleur, ne peut produire de bons effets ; une idée fausse pour un parti devient-elle juste quand elle est exploitée par le parti adverse ? On est parfois tenté de s’approprier des idées qui sont populaires et semblent généreuses.