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L’État, c’est moi, disait Louis XIV ; aujourd’hui l’État c’est pis qu’un seul homme, c’est tout. On pourrait presque refaire le mot de Sieyès : Qu’est l’État ? — tout — à quoi sert-il ! — à rien — Que devrait-il être ? pas grand’chose. C’est une boutade, mais qui contient une grande part de vérité.

Toute notre activité se réduit à fronder, à critiquer, à regarder faire en nous croisant les bras ; notre joie consiste à prendre l’État en faute, à compliquer sa tâche, à fourrer dans les roues de son char tous les bâtons qui nous tombent sous la main, à l’accabler de responsabilités, à exiger de lui qu’il répare tous les maux, qu’il prévienne toutes les injustices, qu’il satisfasse tous les besoins… il élève les enfants, il place les hommes, et pour tout cela nous nous étonnons d’avoir à lui payer des gages élevés. La bonne à tout faire représente le service le plus économique, mais l’État à tout faire est un luxe ruineux.

Aussi relisez l’histoire de ce siècle : Qu’est-ce, sinon des compagnies de gouvernement entreprenant de diriger la France ? quelques-unes ont accompli de grandes choses, mais cela ne les a pas empêchées de tomber en faillite les unes après les autres. Chacune a fait au début son petit boniment : celle-ci jetait de la poudre aux yeux, celle-là éblouissait par le chiffre élevé de son capital et cette autre, par les grands noms qui la patronnaient… Pendant les