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J’ai cité About et Renan ; ils ne sont pas les seuls ; « Un peuple n’est pas libre, dit M. Troplong, s’il n’a pas le droit de tester. » — « Qu’on ne dise pas, s’écrie l’illustre Portalis, que c’est là un droit aristocratique. Il est tellement fondé sur la raison, que c’est dans les classes inférieures que le pouvoir du père est le plus nécessaire. » — Il n’est pas jusqu’à J.-J. Rousseau et Benjamin Constant qui n’aient écrit dans le même sens.

Dire de quelqu’un qu’il est partisan du droit d’aînesse c’est en faire un champion de « l’obscurantisme ». Ce mot : droit d’aînesse semble réunir en lui ce qu’il y avait de plus féodal dans la féodalité ; il traîne après lui tout le cortège des privilèges, dîmes, corvées et autres vieilleries dont il ne devrait plus même être question, mais qu’on exploite encore avec un habile entêtement : et l’on n’a pas manqué de s’en servir contre nous en répétant souvent : « Le Play, c’est le droit d’aînesse. » Eh bien non ! Le Play a pu faire remarquer que ce droit constituait une force appréciable dans un milieu aristocratique d’esprit et surtout tant que les devoirs qui équilibrent un si grand privilège ne sont ni méconnus, ni négligés, mais jamais il n’en a désiré l’établissement en France ; c’eut été une pure folie. Ce qu’il a prôné, c’est la liberté testamentaire telle qu’elle règne dans tant de pays auxquels elle assure la prospérité, telle qu’elle nous a nous-mêmes régis aux époques heureuses de notre histoire, époques qui ne sont pas exactement celles qu’a soulignées la Renommée plus portée à célébrer les conquérants que les législateurs, les gloires guerrières que les gloires pacifiques.