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de ces misères ; en vain aussi en cherche-t-on la cause dans le prétendu affaiblissement de la race, dans les découvertes de la science, dans le progrès matériel et surtout dans la politique. Combien croient bénévolement qu’il suffirait de changer la forme de gouvernement et de revenir au régime de leur choix pour voir renaître avec le crédit et la prospérité, la famille fortement organisée. Ce n’est pas là qu’est le mal, mais dans le détestable régime de succession qu’une double erreur a inauguré et fait passer dans nos codes et que l’opinion publique, le considérant à tort comme une conquête de 89, s’obstine à maintenir. Je m’explique. On dit que l’égalité des partages a été une réforme universellement désirée par le pays et que les cahiers des États-Généraux en font foi… L’égalité de traitement, oui, l’égalité des partages, non. L’ancienne France vivait sous le régime de coutumes très diverses, souvent tout opposées, bien que voisines. Dans l’Île-de-France et l’Orléanais, par exemple, le droit d’ainesse était le privilège des nobles et les habitudes de partage prévalaient parmi les bourgeois et les paysans ; comment donc, à Paris, où les vices de la noblesse s’étalaient effrontément, cette institution n’eût-elle pas révolté les esprits ? Mais il en était autrement en Normandie et dans les provinces du Centre et du Midi ; là, la transmission à l’aîné était l’usage commun des nobles, des bourgeois et des paysans. La passion égalitaire prit plaisir à niveler, non seulement entre castes, mais entre individus et au milieu du désordre de cette sanglante époque fut établi le régime du partage, égal ou forcé, comme il vous plaira de l’appeler. Maintenu ensuite par un pouvoir despotique qui y trouvait son compte, ce régime a été depuis vénéré