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souvenirs d’amérique et de grèce.

malgré les appels sensationnels et les énumérations attrayantes ; or un de ces congrès dépassait tous les autres en hardiesse déraisonnable ; il s’intitulait orgueilleusement le Parlement des religions et prétendait grouper les représentants de tous les cultes monothéistes pour une œuvre de conciliation et d’entente. L’idée fit sourire, même en Amérique. Je crois bien qu’elle avait germé dans le cerveau d’un brave homme, sans génie et sans renommée qui, la trouvant simple et bonne, pensa que son devoir était de travailler à la réaliser.

Et cela s’est fait. Pendant plus d’une semaine, on a vu les catholiques, les épiscopaliens, les baptistes, les méthodistes, les presbytériens, les bouddhistes, les brahmanistes, les musulmans, discourir sans fiel, s’inspirant d’une pensée de divine mansuétude et de fraternelle harmonie ; on a vu un cardinal de l’Église Romaine, un grand cardinal dont le nom vivra, Gibbons de Baltimore, comme ils disent là-bas, ouvrir ce congrès par l’oraison dominicale, la prière du Christ qui soudain est apparue applicable à tous les cultes, acceptable par tous les dogmes, s’étendant, dans son humble simplicité, par-dessus les psaumes, les hymnes et les invocations des églises.

Un Anglais qui avait entendu ces choses, qui avait entendu aussi le président Cleveland, ce chef de 70 millions d’hommes, que rien ne distinguait du plus modeste de ses administrés, inaugurer l’Exposition par quelques mots d’une virile tranquillité, revint en disant que, par une fente ouverte sur l’avenir, le monde de demain lui était apparu, ce monde que