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kerkyra.

leur capitale était le siège du gouvernement ; on y menait active et joyeuse vie. Malgré tout, leur cœur n’était pas satisfait ; ils étaient demeurés Grecs. L’envoûtement des âges écoulés et des conquêtes successives n’avait pas opéré sur eux. L’hellénisme, qui les avait créés, les avait gardés. Rien n’avait eu raison de son pouvoir magique et maintenant que, de nouveau, la Grèce vivait d’une vie nationale, ils voulaient retourner à elle. Elle était pauvre et faible ; l’Angleterre était puissante. Mais cela ne les fit pas hésiter. On leur envoya de Londres un commissaire spécial pour recueillir leurs doléances. Ce commissaire était plus qu’un grand homme, c’était un homme droit. Il s’appelait Gladstone. Sa conviction fut bientôt faite, et dès lors son parti fut pris. L’avènement au trône de Grèce du roi Georges ier servit de prétexte à l’acte que depuis plus de trente ans les insulaires réclamaient en vain. Le 14 novembre 1863, Kerkyra renonça, joyeuse, à ses prérogatives et à son indépendance pour redevenir grecque par le nom et par la loi.

La domination britannique a pourtant laissé des traces multiples sur le sol et dans les mœurs. Les habitants, quand ils parlent des Anglais, ont de la reconnaissance dans le regard, comme pour dire : Que voulez-vous, ils faisaient bien nos affaires, mais c’était inévitable,… on est Grec ou on ne l’est pas ! — Et c’est très amusant de regarder l’Esplanade, les soirs de printemps, des fenêtres de l’hôtel Saint-Georges, pour y revivre en pensée les beaux jours d’antan de la république ionienne. Sur la gauche est