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souvenirs d’amérique et de grèce.

pas de la voir ; je sens qu’il y a là quelque chose de grand ! »

Nous avons peine à comprendre cela, parce que, en Europe, Marseille et Lille ne s’ignorent pas, non plus que Barcelone et Séville, ou bien Exeter et Glasgow. Mais qu’y a-t-il de commun entre la Géorgie et le Wyoming, l’Arizona et le Vermont, la Floride et l’Utah ? Ce sont des mondes différents. On a accrédité chez nous la légende de l’Américain toujours en mouvement, se transportant sans hésitation et sans difficulté d’un bout à l’autre de son immense empire, et passant l’Océan comme les Parisiens passent la Seine ; mais n’allez pas croire que cet Américain-là peuple les États-Unis ; il ne représente qu’une minorité, et quand il vous plaît de sortir de l’ornière des voyages circulaires pour vous arrêter dans les bourgs ou vous enfoncer dans les campagnes, vous trouvez des populations sédentaires, des hommes instruits, intelligents, dont l’existence a tenu dans les frontières de leur État, qui n’ont jamais visité l’Europe et ne verront jamais San Francisco ni la Nouvelle-Orléans.

Ils se connaissent de loin : ils forment une de ces familles nombreuses, créées par la fécondité successive de trois générations dont les représentants, éparpillés dans toutes les provinces, occupent les situations les plus diverses, mais dont l’esprit de famille résiste à tous les éloignements et à toutes les inégalités. Ce sont des cousins qui vivent et meurent sans s’être serré la main, mais qui, fidèlement, se sont fait part des événements principaux de l’existence, naissances, mariages, décès : vienne un danger