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souvenirs d’amérique et de grèce

le peuple athénien aurait attendu, dans une paix joyeuse, entouré de la considération et du respect de l’univers, l’accomplissement des destinées en lesquelles il a foi.

Si vous gagnez, au sortir d’Athènes, les premiers contreforts de l’Hymette, et que vous suiviez une route pierreuse que coupent çà et là des ravins desséchés, vous atteignez en une heure de marche le petit monastère de Kæsariani où la Grèce byzantine revit en un tableau imprévu et charmant ; une oasis est accrochée aux flancs de la montagne, à l’extrémité d’un vallon étroit et dénudé. Partout ailleurs, des pins maigrelets, des roches grises et de la terre rouge ; là, une herbe fine, une source fraîche qu’ombragent deux grands platanes et une armée de gros oliviers tordus par les ans. Ils dissimulent aux regards la silhouette grise du monastère. L’enceinte est intacte ; au-dessus des murs, des cyprès noirs s’élancent en flèches tristes, serrés les uns contre les autres, imprimant à ce lieu une mélancolie intense ; l’étroitesse du vallon empêche la lumière du jour d’y donner tout son éclat ; on dirait un monde inférieur que n’éclaireraient plus que les traînées pâles d’un soleil mourant. La vieille porte vermoulue tourne en gémissant sur ses gonds ; dans la cour, l’herbe monte entre les dalles disjointes ; des terrasses se superposent, des galeries et des escaliers s’enchevêtrent ; tout cela très ruiné, très effrité, très pauvre. Les seuls indices de force et de vigueur proviennent d’un temple romain