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notes athéniennes.

lasse, en 1883, on dut accepter à Athènes une insignifiante rectification de frontières. Dans cette longue série de déceptions, un seul rayon de soleil s’est glissé inopinément. À l’avènement du roi Georges, l’Angleterre a laissé les sept Îles Ioniennes rentrer dans le giron national. Corfou et ses sœurs sont redevenues grecques à l’heure où le jeune monarque montait plein de confiance sur un trône déjà ébranlé.

C’était une silhouette originale et suggestive, celle du triumvirat qui prit en main le gouvernement provisoire après la déchéance du roi Othon : l’amiral Kanaris, en redingote européenne, Boulgaris, avec son costume oriental et son fez, Roufos, vêtu de la fustanelle populaire. On conte que pour ne pas marquer entre eux une préséance quelconque, ils avaient coutume de s’en aller tous les trois, serrés sur la banquette d’arrière de leur voiture commune : vivante représentation de leur pays, lequel avait encore plusieurs costumes et même plusieurs langues, mais une seule ambition et une seule âme. La Grèce moderne vivait encore dans les habits du passé : son cœur du moins était libre ; elle ne l’avait pas donné au roi Othon ; non qu’il fût dépourvu de zèle et de bonne volonté, mais la lourdeur bavaroise de son entourage révoltait la gracieuse légèreté athénienne, et l’on sentait confusément que celui-là ne serait pas le propriétaire définitif.

Elle le donna au roi Georges et fit bien. Trente-