Page:Pierre de Coubertin - Souvenirs d Amerique et de Grece, 1897.djvu/100

Cette page a été validée par deux contributeurs.
93
la mission des va-nu-pieds.

vue que la flamme de Bengale rend plus obscure l’obscurité qui lui succède ; ils croient, eux, que le souvenir de sa splendeur évanouie aide à supporter les ténèbres. Ce sont deux conceptions de la charité absolument opposées l’une à l’autre.

Aux approches de Noël donc, les New-Yorkais se groupent pour préparer les Christmas Trees. On les surcharge de lumières, de fleurs, d’objets ; et on réunit tous ces enfants abandonnés, auxquels New-York apprend les duretés de l’existence et qui s’exercent de mille manières à trouver leur pain dans les fentes de sa richesse ; ils sont des centaines et des centaines qui vendent les journaux, matin et soir, sautant dans les tramways en marche, se faufilant partout et voyant peu à peu diminuer l’énorme masse de papier tout frais imprimé dont on a surchargé leurs faibles bras ; ils sont aussi des centaines qui cirent les souliers, tout du long du jour, armés d’une brosse, d’un pot de cirage et d’un escabeau, et des centaines encore qui vont au vent, l’œil éveillé, guettant un métier imprévu, un hasard favorable Curieux types, ces gamins de New-York en qui l’on retrouve cette vivacité et cette ingéniosité à « se débrouiller » qui distinguent le gamin de Paris, avec, à côté, quelque chose de posé, de suivi, de moins gai aussi et de moins drôle. Ils n’aiment guère à mendier et regardent avec un plaisir un peu fier les sous qu’on leur met dans la main ; quelquefois un de plus que le compte, parce qu’ils sont populaires et qu’ils ne rechignent pas au travail.

Mais, pour vendre les journaux ou faire des com-