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le roman d’un rallié

ser à d’âpres critiques — pour, en fin de compte, échouer peut-être lamentablement, il n’oserait jamais. Alors quoi ? Fuir, se résigner ou s’étourdir… L’heure de fuir était passée. La marquise avait jugé qu’Étienne n’avait nul besoin de carrière. Fils unique, héritier d’une fortune territoriale dont l’administration ne pouvait être, sans danger, abandonnée à un intendant, il se marierait jeune et continuerait les traditions charitables et hospitalières des châtelains de Kerarvro. C’était un idéal modeste, mais qui satisfaisait pleinement les ambitions de Madame de Crussène et surtout la rassurait.

Étienne, très indépendant, n’avait pas éprouvé non plus le besoin d’avoir une carrière précise, limitée. Combien il le regrettait aujourd’hui ! Les marins, les officiers étaient des actifs, après tout, mais des actifs exempts de luttes intérieures et d’incertitudes. Pour lui, la lutte était poignante et sans issue ; ses vingt-quatre ans sonneraient bientôt. Depuis dix-huit mois qu’il était sorti du régiment, il avait l’impression d’avoir marché à reculons, défaisant le chemin jadis parcouru,