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le roman d’un rallié

rale ; à mesure que sa virilité se parachevait, un irrésistible besoin le prenait de descendre dans l’arène. Mais comment ? Le destin, ce grand ironique, met à part, presque à chaque tournant de siècle, une poignée d’hommes qu’il condamne, au nom des privilèges dont jouissaient leurs pères, à mener une existence d’exception et à en souffrir. Ils sont assis, spectateurs solitaires, dans la tribune de marbre aux tapis de pourpre où leur dignité les retient, qu’ils ne peuvent quitter sans déchoir et vers laquelle la foule ne tourne même plus ses regards irrités ; elle a cessé de leur en vouloir, elle a cessé de les persécuter ; elle les laisse là, s’étonnant seulement qu’ils vivent… les aristocraties sont lentes à mourir… Elle devrait plutôt les plaindre, car des regrets honorables et de délicats scrupules se font, parfois, les complices de l’orgueil et de la paresse. Rester là-haut à compter les années, à parler du passé, à gémir du présent, à se méfier de l’avenir, Étienne sentait qu’il ne le pourrait pas. En descendre, se séparer brusquement de tous les siens en les scandalisant, rester sourd aux plaintes de sa mère, s’expo-