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le roman d’un rallié

fums de la forêt qui te sont si familiers, se tairont et s’évaporeront… Reste ! reste avec nous ! Sur cette terre où tout se fane et se flétrit sans retour, nous seuls sommes durables et fidèles ». Ainsi chantaient les bois, les herbes, les nuages et les roches antiques de Kerarvro. Ceux qui ne sont point Celtes ne connaissent pas la griserie d’une telle chanson. Ils croient que les hommes seuls peuvent parler. Mais les Celtes savent qu’il en est autrement et que tout, dans la nature, parle et chante.

Étienne est trop habitué à ce langage pour s’étonner d’en avoir été si troublé ; peut-être, après tout, le sera-t-il encore. Des déceptions, des découragements l’atteindront, mais il n’en a pas peur. Il se dit que les premières victoires sont les plus dures à remporter parce que le général manque d’expérience comme ses soldats et que le terrain sur lequel ils se battent leur est inconnu. Et il repasse dans sa mémoire tous les incidents des dix-huit mois qui viennent de s’écouler, si fertiles en surprises, en secousses, en épreuves d’où sa virilité est enfin sortie