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le roman d’un rallié

pour son avenir. L’arrêt prolongé à Washington lui causa une vive inquiétude. Elle aperçut soudain le péril qu’elle avait dédaigné ; elle conçut un type d’Américaine qui se rapprochait plus de la rudesse des ranches de l’Ouest que de la distinction élégante des salons de Washington, et vécut, enfiévrée par la crainte de voir Kerarvro aux mains d’une maîtresse de maison exotique et anguleuse qui aurait des cheveux courts, des gestes de garçon et des jupes de gros drap beige. L’annonce du retour ne suffit pas à calmer ses appréhensions. Mais quand Étienne eût repris sa place auprès d’elle, elle fut enfin rassurée. Elle entrevit une partie de la vérité, comprit que son fils s’était épris là-bas d’une femme — peut-être d’une femme mariée, et crut qu’il avait eu le courage de s’arracher à une passion déraisonnable et sans issue. Ainsi s’expliquait qu’il eut l’air triste et fatigué. Elle lui sut de cette victoire imaginaire un gré infini et chercha à l’en récompenser par des attentions sans nombre. Elle mit une délicatesse extrême à détourner tout sujet de conversation susceptible d’aviver ses regrets.